Campagne 2015 - "Sourd et alors ? Je choisis mon emploi"
Cette année, l’APEDAF lance une nouvelle campagne d’information et de sensibilisation ! Baptisée « Sourd et alors ? Je choisis mon emploi », cette campagne explore la thématique de l’accès au monde du travail pour les personnes sourdes et malentendantes. L’objectif ? Accompagner les parents d’enfants sourds et malentendants dans leur questionnement. Mais également informer et conscientiser le grand public et les employeurs afin de leur montrer que les personnes sourdes et malentendantes exercent des professions variées et sont épanouies dans leur environnement de travail. La campagne se déroulera de septembre à décembre 2015 dans toute la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Outils de campagne
Il y a trois affiches qui représentent trois métiers distincts : architecte, sage-femme et enseignant. Les affiches sont différentes dans la forme mais avec le même message de fond. Le principe : chaque affiche représente un adulte sourd qui exerce son métier et, à ses côtés, un enfant sourd ou malentendant vêtu à l’aide d’accessoires représentatifs de la profession de l’adulte. Le slogan « Sourd et alors ? Je choisis mon emploi » envoie un message est clair : la surdité n’est pas un obstacle à mon avenir professionnel.
Guide pour les professionnels : « J’engage une personne sourde »
Ce petit guide a été conçu directement pour les employeurs qui souhaiteraient engager une personne sourde ou malentendante. Il a plusieurs objectifs : faciliter la réflexion que peut susciter l’engagement d’une personne sourde ou malentendante ; aider le futur employeur dans les démarches administratives ; donner des informations générales sur la surdité ; donner des conseils et des astuces de communication pour que l’insertion de la personne sourde ou malentendante au sein de la nouvelle équipe se fasse au mieux ou encore aborder le point des adaptations matérielles.
Vous pouvez également commander une ou plusieurs affiches au 02/644.66.77 ou via info@apedaf.be
Notre analyse : « L’accès à l’emploi pour les personnes sourdes et malentendantes en Belgique francophone »
En Fédération Wallonie-Bruxelles, on remarque que, malgré l’existence de lois ayant pour objectif de freiner ou de supprimer la discrimination à l’emploi sur base du handicap d’un candidat, il existe encore de nombreuses difficultés rencontrées par les sourds et malentendants pour accéder à une profession. Quelles sont les barrières principales ?
L’objet de cette analyse est de faire un tour, aussi précis et complet que possible, sur la situation de l’accès à l’emploi pour les sourds et les malentendants en Belgique francophone.
Découvrir également
Portraits de notre campagne
Non, les sourds et malentendants ne sont pas cantonnés à un choix réduit de professions ! Ceux-ci peuvent prétendre, au même titre que les entendants, à un large panel de métiers. Cette galerie de portraits a plusieurs objectifs : montrer aux jeunes sourds et malentendants quels différents métiers exercent aujourd’hui des sourds et des malentendants en Belgique francophone. Ces portraits s’adressent également au grand public et aux employeurs potentiels, toujours dans un but de sensibilisation et de changement des mentalités. Comme vont vous le démontrer les personnes que nous avons choisi d’interviewer, la surdité n’empêche en rien d’atteindre ses rêves professionnels !
Voici différents profils professionnels de personnes sourdes ou malentendantes. Des individus aux parcours personnels, scolaires et professionnels bien divers, également en matière d’opportunités et d’obstacles dans leur recherche d’emploi. Mais ils ont tous un point commun : réussir à atteindre leur but.

Nom et Prénom : Jeremy Miesse
Age : 31 ans
Fonction : Responsable informatique (service vidéophonie) et technicien chez Info-Sourds.
Surdité et moyens de communication
Jérémy est sourd profond. Avec les entendants, il parle et s’il y a un problème, il écrit. Avec son père, il fait de la LPC(Langue Parlée Complétée). Avec sa mère, il fait aussi de la LPC et un peu de langue des signes. Avec les sourds, il signe.
Parcours scolaire
J’ai fait mes primaires à l’École Intégrée, à Bruxelles.
J’ai continué dans cette même école pour mes secondaires. A partir de la 4ième, j’ai aussi suivi des cours d’informatique à l’Institut Don Bosco.
En 2007, j’ai commencé une formation au Centre de Formation et de Réadaptation Professionnelle (CFRP) de Tournai.
A partir de 2008, j’ai suivi une formation en informatique pendant un an et demi à Charleroi. C’était très bien, j’ai réussi. C’était clair car les professeurs faisaient des mimes, il y avait beaucoup d’exercices pratiques, et parfois un enseignement plus approfondi. Parfois, il y avait des interprètes.
Parcours professionnel
De 2010-2011, j’ai travaillé comme technicien informatique en réparation d’ordinateurs chez APPLE à Berghem. Toujours en 2010, j’ai commencé à travailler comme bénévole pour la mise en place du projet « Direct Eyes » (un projet de visiophonie pour les sourds).
Depuis 2013, j’aide des personnes sourdes à réparer leurs ordinateurs.
En 2014, j’ai commencé des études approfondies sur les réseaux informatiques à l’IEPSCF. Mais entre-temps, j’ai trouvé du travail. J’ai essayé de suivre la formation et de travailler en même temps, mais c’était trop lourd. J’ai finalement décidé de suspendre les cours.
Depuis le 1er janvier 2015, je suis responsable informatique dans le service vidéophonie et également technicien chez Info-Sourds.
Difficultés rencontrées
J’ai voulu être informaticien dans la police, spécialisé contre le piratage informatique. Mais comme j’étais sourd, ce n’était pas possible. Pour l’examen d’entrée, il y avait des épreuves physiques à passer et on m’a dit que ce n’était pas adapté aux personnes sourdes. On ne m’a donné aucune explication supplémentaire. Alors que c’était du travail de bureau.
Avant, je mettais sur mon CV que j’étais sourd. Mais j’ai arrêté de le faire en 2010. Depuis, je préfère montrer mes capacités en direct au futur employeur.
Quand je travaillais chez Apple, il y avait beaucoup de réunions de dernière minute. Je n’avais pas le temps d’appeler un interprète. Pendant ces réunions, mes collègues n’arrêtaient pas de parler et je ne comprenais rien. Je demandais ce qui se passait, et les collègues me répondaient toujours : « après, après… ». A la fin de la réunion, ils me résumaient par écrit en 5 minutes plus de 45 minutes de réunion ! Je leur disais : « 5 minutes seulement pour expliquer 45 minutes ? C’est quoi ça ? ».
En ce qui concerne la recherche d’emploi, j’ai eu de la chance : j’ai fait des stages lors de ma formation sur les réseaux informatiques à Charleroi et c’est comme cela qu’on m’a remarqué et ensuite engagé chez Apple. Par après, le « bouche à oreille » a bien fonctionné chez les sourds. On savait que j’étais bon en informatique et c’est grâce à cette réputation que j’ai pu être engagé chez Info-Sourds.
Conseils aux jeunes sourds
D’abord, je conseille de bien terminer ses études. Si vous faites des études, faites aussi des formations où vous pourrez avoir des stages. Les stages facilitent l’entrée dans le monde professionnel. C’est toujours plus simple de se faire engager après un stage ou même pendant un stage. Attention, il faut bien entendu que le stage se passe bien pour être potentiellement engagé.
Il faut aussi avoir la passion de son travail ! C’est très important.
Et enfin, il ne pas avoir peur des entendants !

Nom et Prénom : Ludivine Descamps
Age : 24 ans
Fonction : Agent d’insertion socio-professionnelle et assistante sociale chez Info-Sourds.
Surdité et moyens de communication
Ludivine est sourde profonde. Elle s’exprime en français oral et en langue des signes.
Parcours scolaire
J’ai fait mes maternelles et primaires à l’École libre de Saint-Vaast.
Pour mes études secondaires, je suis allée dans trois écoles différentes : à l’Institut Saint-Joseph à la Louvière, à l’Institut Sainte-Marie à la Louvière et à l’Institut Sainte-Thérèse à Manage. Dans cette dernière école, j’ai choisi l’option en techniques sociales.
L’image des études techniques et professionnelles est souvent négative… On me disait toujours que je ne pouvais pas réussir dans le supérieur si j’étudiais en technique. Mais j’ai réussi !
De 2010 à 2014, j’ai étudié et obtenu un Bachelier en Assistante Sociale à la Haute École Paul-Henri Spaak.
En Septembre 2014, j’ai commencé un Master en Assistante Sociale, toujours à la Haute école Paul-Henri Spaak. Mais j’ai arrêté après quelques mois car j’ai rencontré trop d’obstacles. Les interprètes n’étaient pas qualifiées et manquaient de formation.
Parcours professionnel
Depuis le 1er juillet 2015, je travaille comme agent d’insertion socio-professionnelle et comme assistante sociale chez Info-Sourds.
Avant ça, j’ai cherché du travail pendant environ sept mois. J’ai envoyé pas mal de CV. Pendant cette période de recherche d’emploi, j’ai appris qu’il y avait un projet de création d’un centre-relais de visiophonie pour une interprétation en langue des signes à distance. Cela m’a tout de suite intéressée parce que j’ai toujours rêvé d’un centre de téléphonie pour les sourds. J’ai donc voulu soutenir le projet comme bénévole. C’est comme cela que j’ai appris qu’il y avait une place libre à Info-Sourds, et qu’ils ont pu faire connaissance avec moi et mon profil.
Difficultés rencontrées
Durant les études :
En maternelle, en primaires et en secondaires, je n’ai connu aucun obstacle, il y avait une bonne intégration. C’est seulement vers 13 ans je suis devenue un obstacle pour moi-même en quelque sorte car j’avais de plus en plus de mal à accepter ma surdité. À cet âge-là on est fort sensible aux regards des autres. Dans ma famille, on est tous sourds : mes parents, mon frère et moi.
Le premier obstacle que j’ai rencontré sur mon parcours c’était à la Haute École Paul-Henri Spaak : on m’a refusé des interprètes aux examens en pensant qu’ils pouvaient m’aider à tricher et me donner les réponses. J’étais mal à l’aise avec ma surdité : j’ai donc eu du mal à protester ou à résister. Une autre difficulté, les professeurs ne comprenaient pas toujours pourquoi j’avais besoin d’interprètes alors que je parlais bien.
Pendant mes études supérieures, l’intégration était plus difficile. Les horaires étaient plus lourds. Je devais fortement me concentrer avec les interprètes pendant les cours. En plus, je devais également faire des efforts pendant les pauses et après les cours, pour ma vie sociale.
Ma fierté c’est d’être la première sourde à qui on a laissé faire un mémoire en langue des signes, sans passer par l’écrit. À la fin de mon parcours, certains professeurs ont enfin compris ce que c’est d’être sourd.
Sur le marché de l’emploi:
Au niveau professionnel, je n’ai pas vraiment connu d’obstacles car je n’ai pas cherché du travail très longtemps.
Conseils aux jeunes sourds
Il faut être tenace, patient et aller jusqu’au bout de ses rêves ! Aussi bien dans les études que dans la recherche d’un travail ! Personnellement, je me suis battue jusqu’au bout de mes études d’assistante sociale. Il faut tenir le coup ! Je me suis battue non pas dans une attitude revendicatrice, mais dans un but de persuasion. Par exemple, en expliquant avec patience ma réalité aux autres élèves et à mes professeurs. Les professeurs ont fini par comprendre et ils m’ont proposé un mémoire en langue des signes. Je n’y aurais jamais pensé moi-même et j’en suis fière qu’ils m’aient fait cette proposition !

Nom et Prénom : Audrey Zians
Age : 28 ans
Fonction : Depuis octobre 2013 : assistante et chercheuse en droit européen à l’ULg. Depuis octobre 2015 : avocate chez Bours & Associés, en droit public administratif, de l’urbanisme et de l’environnement
Surdité et moyens de communication
Sourde profonde, Audrey est bilingue (signante, oraliste) et implantée.
Parcours scolaire
J’ai fait mes humanités en intégration au Collège Saint-Barthélemy de Liège.
Ensuite, je me suis tournée vers des études de traduction à l’Institut Libre Marie Haps, à Bruxelles. J’ai choisis d’étudier l’italien et l’allemand. Ces études m’ont également donné l’occasion de partir en Erasmus en Italie, à Trieste.
Une fois mon diplôme de master en traduction en poche, j’ai étudié le droit à l’Université de Liège (ULg). Je suis titulaire d’un master en droit depuis juin 2013.
Parcours professionnel
En octobre 2013, j’ai été engagée comme assistante en droit européen à l’ULg. Mon travail se répartit de la manière suivante :
– Enseignement : point de contact avec les étudiants ; préparation, organisation et animation de séances de cas pratiques ; corrections et suivi des travaux dirigés ; aide à la préparation des cours ; préparation et correction des examens.
– Recherche : rédaction d’articles ou d’ouvrages, seule ou en collaboration avec le professeur ; mise à jour d’ouvrages ; recherches ponctuelles sur divers thèmes de droit européen.
Après deux années à temps plein, je suis passée à un mi-temps, que je combine désormais avec un poste d’avocate chez Bours & Associés.
Difficultés rencontrées
Durant les études:
Durant mon parcours universitaire, la plus grande difficulté était d’obtenir des interprètes pour les cours, étant donné la pénurie actuelle d’interprètes en Belgique. À l’Institut Libre Marie Haps, j’ai eu la chance d’en avoir pour une grande majorité de cours, mais pas à l’ULg, malheureusement. Il a donc fallu trouver d’autres solutions : étudier dans les syllabus et faire appel aux notes des autres étudiants.
Trouver une interprète sur place pour mon séjour Erasmus a été encore plus difficile. Une fois l’interprète trouvée, il fallait encore réfléchir au financement de celle-ci. Sans oublier le fait que l’interprète sur place ne signe pas dans la même langue des signes qu’en Belgique : j’ai donc dû suivre des cours en accéléré de langue des signes italienne avant de commencer mes cours à l’université de Trieste.
Il n’a pas toujours été facile, non plus, de faire accepter l’interprète par les professeurs.
Une autre difficulté, spécifique à mes études de langue, a été d’étudier les langues dans les mêmes conditions que les autres étudiants. Ainsi, je devais suivre des cours donnés en langue étrangère, passer des examens oraux en langue étrangère, y compris lors de mon séjour Erasmus, où j’ai notamment dû passer un examen de littérature allemande oralement en italien. De plus, certains professeurs évaluaient ma prononciation dans la langue étrangère de la même manière que pour mes camarades entendants. Etudier la prononciation des langues étrangères a été très difficile. Les seuls cours qui ont été adaptés pour moi ont été ceux de compréhension à l’audition : ils étaient remplacés par une compréhension à la lecture.
À l’Institut Libre Marie Haps, ils ont été très réticents à accepter mon inscription. Par exemple, il m’a été dit qu’il ne serait pas possible de me délivrer le diplôme à la fin de mes études en raison du fait que je ne pourrais pas suivre les cours de compréhension à l’audition. Ou encore qu’il était extrêmement difficile pour une personne sourde de réussir ces études. Il a fallu argumenter encore et encore. Par la suite, j’ai pu mener à bien mes études, si ce n’est que l’accès au master d’interprétation m’était interdit.
Sur le marché de l’emploi:
Il ne m’est pas possible de dire avec certitude si j’ai rencontré des difficultés sur le marché de l’emploi ou non. Si discriminations il y a eu, elles n’ont jamais été explicites.
J’ai eu l’incroyable chance de me voir proposer plusieurs offres d’emploi dès ma dernière année de master en droit. Dès lors j’ai pu choisir le poste que je pensais me correspondre le mieux, en l’occurrence ce poste d’assistante en droit à l’université.
Lorsque j’ai postulé pour une place d’avocate, il est vrai que j’ai dû faire face à certaines craintes qui revenaient souvent chez les potentiels futurs employeurs, comme : « Concrètement, comment allez-vous faire pour travailler ? », « Comment vous allez-faire pour téléphoner ? », ou encore « Comment allez-vous faire pour plaider et rencontrer des clients ? » etc. L’important à ce moment-là est de rassurer le futur employeur et de plaider sa cause en mettant en avant ses compétences.
Conseils aux jeunes sourds
D’abord, je conseille de bien terminer ses études. Si vous faites des études, faites aussi des formations où vous pourrez avoir des stages. Les stages facilitent l’entrée dans le monde professionnel. C’est toujours plus simple de se faire engager après un stage ou même pendant un stage. Attention, il faut bien entendu que le stage se passe bien pour être potentiellement engagé.
Il faut aussi avoir la passion de son travail ! C’est très important.
Et enfin, il ne pas avoir peur des entendants !

Nom et Prénom : Esmeralda Menis
Age : 29 ans
Fonction : Enseignante dans le secteur secondaire
Surdité et moyens de communication
Esmeralda s’exprime en français oral et en langue des signes. Elle porte des appareils auditifs.
Parcours scolaire
J’ai fait mes maternelles à l’École Intégrée à Bruxelles. Ensuite, j’ai fait mes primaires dans l’école juste en face de l’École Intégrée : l’École Singelijn. Pour mes études secondaires, je suis allée à l’Institut de l’Assomption de Watermael-Boitsfort. Pour mon bachelier, je suis allée à la Haute École Pédagogique Galilée ( ISPG).
Parcours professionnel
Depuis 8 ans, enseignante dans le secteur secondaire à l’École Intégrée de Woluwé Saint-Lambert. J’enseigne l’anglais et le néerlandais.
Difficultés rencontrées
Durant les études:
En primaire, la présence des interprètes était indispensable pour comprendre les cours. Sinon, j’avais une camarade de classe sur laquelle je pouvais compter.
En secondaire, les prises de notes étaient plus difficiles à obtenir. Et ce pour des raisons diverses : mauvaises prises de notes, égoïsme de la part d’élèves souhaitant garder leurs notes pour eux… Du coup, c’était toujours le même ou la même élève qui prêtait ses notes. La conséquence directe de cela était généralement le ras-le-bol de l’élève ou des élèves en question d’être le(s) seul(s) « prêteur(s) de notes ». Les travaux de groupe étaient parfois pénibles car la communication entre la personne sourde et le reste du groupe n’était pas facile (surtout quand l’interprète était absent). C’est généralement à l’adolescence que la différence fait peur.
Pendant mes études supérieures, la grande difficulté restait la prise de notes. C’était toujours problématique mais de manière moins radicale dans mon expérience de vie puisque j’ai réussi à collaborer directement avec les professeurs. Je pouvais également leur demander des syllabi. Mes camarades de classe étaient aussi plus sympas pour me prêter quelques notes.
Sur le marché de l’emploi:
Au niveau professionnel, il faut savoir qu’en tant qu’enseignant, on est assez individualiste dans le travail. On ne fait que très peu de travaux de groupe et de collaboration, à part peut-être pour organiser les jours blancs. Cette situation plus individualiste du travail d’enseignement amène à une moindre sensibilisation vis-à-vis des professionnels sourds.
Lors des conseils de classes, ce sont toujours les mêmes collègues qui interprètent pour moi. Parce qu’ils ont une fille sourde, une cousine sourde ou en tout cas une expérience ou un vécu avec un sourd. Comme ce sont toujours les mêmes qui interprètent, cela peut être assez épuisant pour ces collègues. Dans ce genre de cas, la communication n’est pas au top, même s’ils font le mieux possible. Lorsqu’il y a des réunions, de temps en temps un interprète est présent. Mais globalement, je vis et je travaille quand même dans un environnement « sourd ». Ce qui facilite pas mal la communication entre membres, collègues, parents et élèves.
Conseils aux jeunes sourds
Être courageux ! Prendre son courage à deux mains en montrant ses capacités, rester motivé et efficace surtout à ses débuts.
Il ne faut pas avoir peur d’expliquer la surdité et ses avantages. On peut aussi montrer les adaptations techniques possibles : comme les chats en ligne pour communiquer entre collègues si la difficulté de la lecture labiale est présente, la vidéoconférence, la possibilité d’interprète lors de réunions, mais également les systèmes d’alarmes ou de sonneries pour les personnes sourdes. Il est aussi important d’expliquer que les sourds accèdent à des métiers bien plus haut placés qu’on ne le pense.
Il ne faut pas non plus avoir peur de devoir répéter 100 fois comment il faut communiquer entre une personne sourde et une personne entendante. Il ne faut pas non plus avoir peur d’adapter la communication autrement avec une personne entendante.
Enfin, il ne faut pas hésiter à porter plainte au Centre Interfédéral pour l’Égalité des Chances (http://www.diversite.be/) pour toute forme de discrimination valable liée à la surdité, par exemple lors d’un entretien d’embauche ou dans le cadre de son travail.

Nom et Prénom : Danitza Athanassiadis
Age : 25 ans
Fonction : Chargée de communication chez Info-Sourds.
Surdité et moyens de communication
Danitza est sourde profonde. Elle signe la plupart du temps. Elle parle parfois mais c’est plutôt rare.
Parcours scolaire
J’ai fait mes primaires à l’École Intégrée.
Pour mes études secondaires, je suis restée pour les premières années à l’École intégrée en enseignement général. A partir de la 4ème année, j’ai étudié l’imprimerie à l’École Intégrée et à l’Institut Don Bosco en intégration. J’étais au milieu de garçons, l’intégration était difficile. De plus, tous les cours n’étaient pas à mon goût. J’avais un tempérament plus artistique. Du coup, pour deux dernières années de secondaire j’ai opté pour une formation en infographie.
De 2011 à 2012, j’ai suivi une formation d’animatrice au CREE.
L’année suivante, j’ai suivi la Formation « Frontrunners ». C’est une formation organisée par des personnes sourdes pour des personnes sourdes. Ça m’a aidé à avoir confiance en moi. Avant, je me sentais mal à l’aise par rapport aux entendants, comme s’ils étaient d’un niveau infiniment supérieur au mien. Maintenant, je me sens égale, à l’aise, je communique en parlant avec les entendants et en signant, sans honte. C’est une formation très variée : infographie, montages, formation aux médias, créations de site web. On y apprend à travailler en équipe, à gérer les conflits.
En 2014, j’ai commencé une formation en comptabilité mais que j’ai vite abandonné
Parcours professionnel
Durant les études:
A l’école ça s’est bien passé pour moi, mais le problème est toujours d’obtenir suffisamment d’interprètes en langue des signes. Il n’y a pas assez d’interprètes. Autre problème, si je veux suivre une formation, je suis bloquée parce qu’il faut des interprètes.
Sur le marché de l’emploi:
Au niveau professionnel, on hésite souvent à engager des sourds. Il y a toujours des « bonnes excuses ». J’ai cherché du travail pendant quatre ans ! J’ai envoyé des emails, des CV… Il y avait des personnes intéressées, mais il y avait toujours un « mais »… Ma surdité ! Je n’ai jamais eu un seul entretien d’embauche de 2010 à 2015. Parfois, j’inscrivais sur mon CV que j’étais sourde, parfois que j’étais malentendante, et parfois je n’inscrivais rien du tout. Fallait-il que je mette en avant mon identité de personne sourde ou pas ? Fallait-il rassurer les employeurs avant ou pas ? C’était difficile, je me sentais perdue.
Une autre difficulté liée aux interprètes concerne cette fois l’entretien d’embauche. Comment passer un entretien d’embauche et rassurer l’employeur sur mes capacités à travailler sans interpète ? Du coup, j’ai souvent laissé tomber des entretiens d’embauche quand il n’y avait pas d’interprète disponible. Et il n’y en a presque jamais.
Difficultés rencontrées
J’ai voulu être informaticien dans la police, spécialisé contre le piratage informatique. Mais comme j’étais sourd, ce n’était pas possible. Pour l’examen d’entrée, il y avait des épreuves physiques à passer et on m’a dit que ce n’était pas adapté aux personnes sourdes. On ne m’a donné aucune explication supplémentaire. Alors que c’était du travail de bureau.
Avant, je mettais sur mon CV que j’étais sourd. Mais j’ai arrêté de le faire en 2010. Depuis, je préfère montrer mes capacités en direct au futur employeur.
Quand je travaillais chez Apple, il y avait beaucoup de réunions de dernière minute. Je n’avais pas le temps d’appeler un interprète. Pendant ces réunions, mes collègues n’arrêtaient pas de parler et je ne comprenais rien. Je demandais ce qui se passait, et les collègues me répondaient toujours : « après, après… ». A la fin de la réunion, ils me résumaient par écrit en 5 minutes plus de 45 minutes de réunion ! Je leur disais : « 5 minutes seulement pour expliquer 45 minutes ? C’est quoi ça ? ».
En ce qui concerne la recherche d’emploi, j’ai eu de la chance : j’ai fait des stages lors de ma formation sur les réseaux informatiques à Charleroi et c’est comme cela qu’on m’a remarqué et ensuite engagé chez Apple. Par après, le « bouche à oreille » a bien fonctionné chez les sourds. On savait que j’étais bon en informatique et c’est grâce à cette réputation que j’ai pu être engagé chez Info-Sourds.
Conseils aux jeunes sourds
- Ne pas mettre que vous êtes sourd sur votre CV.
- Quand vous postulez, prévenez les interprètes fort à l’avance même si vous n’avez pas encore d’entretien d’embauche avec l’employeur contacté. Pourquoi ? Pour demander à différents interprètes leurs disponibilités éventuelles et les bloquer. Ensuite, vous pourrez proposer ces disponibilités à l’employeur.
- Parler avec d’autres sourds de votre parcours pour vous informer auprès d’eux.

Nom et Prénom : Pierre Delforge
Age : 31 ans
Fonction : Agent administratif à mi-temps chez Info-Sourds.
Professeur d’informatique à mi-temps à l’IRSA (Institut Royal pour Sourds et Aveugles).
Surdité et moyens de communication
Pierre est sourd profond. Il communique essentiellement en langue des signes. Il utilise l’écrit et un peu de LPC (Langue Parlée Complétée).
Parcours scolaire
J’ai fait mes maternelles au CMAP (Centre Médical d’Audiophonologie), situé à Montegnée (Liège) et mes primaires dans une école à Andenne, dans l’enseignement normal.
J’ai eu des problèmes de retard scolaire parce que c’était dur pour moi de suivre les cours. Mes parents ont fait appel à une aide pédagogique de l’APEDAF (Association des Parents d’Enfants Déficients Auditifs Francophones), Josée Comparato, qui m’a beaucoup aidé. Comme j’avais trop de retard, je suis retourné au CMAP pendant un an pour réussir mon C.E.B. J’ai fait mes études secondaires à l’IRSA.
Pour les études supérieures, je suis allé dans une école de promotion sociale (manuelle et technique) à Huy pour étudier un graduat de gestion administrative. J’ai toujours adoré enseigner à des élèves. Ensuite, j’ai fait un Certificat d’Aptitudes Pédagogiques (CAP), en lien avec l’informatique.
Parcours professionnel
Depuis 2008 (et jusqu’à aujourd’hui) je travaille à mi-temps à Info-Sourd, comme agent administratif.
Depuis 2009 (et jusqu’à aujourd’hui aussi) je travaille mi-temps dans l’enseignement : je suis professeur d’informatique à l’IRSA.
Difficultés rencontrées
Durant les études:
Mon parcours scolaire a vraiment une période difficile pour moi car j’ai souvent manqué d’interprète pour pouvoir suivre correctement les cours.
Sur le marché de l’emploi:
En ce qui concerne le parcours professionnel, je n’ai jamais eu aucun obstacle jusqu’à maintenant car j’avais des facilités et des connaissances qui m’ont, entre autres, permis d’entrer chez Info-Sourds ainsi qu’à l’IRSA.
Conseils aux jeunes sourds
Il est très important de laisser les jeunes faire ce qui les passionne. Je voudrais être un exemple pour les jeunes. Mes parents m’ont laissé faire mes choix. Ils m’ont laissé être autonome. C’est important de laisser les jeunes choisir et de leur faire confiance. Il faut les motiver et les aider à avoir confiance en eux. Si la motivation baisse fortement, ils risquent d’être malheureux. Surprotéger les jeunes ne les aide pas à aller vers l’autonomie. De plus, il est important d’avoir un métier qui nous plaît pour être heureux.
Selon moi, il faut :
1) Avoir confiance en soi
2) Être motivé
3) Faire ce qui vous passionne
Si on ne se connait pas soi-même, il est impossible d’avancer, ou alors plus difficilement. Avoir une identité claire, en tant que personne sourde, aide à avancer. Nous avons alors moins de problèmes à communiquer avec les autres ou à savoir quel moyen de communication utiliser. Tout cela sans avoir honte de ce que nous sommes. Par exemple, ma femme sait très bien parler alors qu’elle est sourde. Elle le sait et l’accepte, et elle l’utilise au quotidien pour son travail.

Nom et Prénom : Bernard le Maire
Age : 57 ans
Fonction
Prépensionné depuis le 1er mars 2014. Anciennement Programmeur-Analyste chez Electrabel (actuellement ENGIE). Actuellement secrétaire général de la Fédération Francophone des Sourds de Belgique (FFSB) ; responsable du Centre Robert Dresse, du Musée de l’Histoire des sourds et du centre de documentation pour les sourds affilié à l’asbl SUR’Cité de Liège ; conférencier au niveau national et international ; membre du Conseil d’Administration du Deaf History International.
Surdité et moyens de communication
Bernard est sourd profond. Il utilise la langue des signes et le français (avec les personnes habituées à sa diction et avec lesquelles il est habitué à lire sur les lèvres). Sinon il communique par écrit.
Parcours scolaire
J’ai fait mes études primaires en intégration à l’école Sainte-Véronique à Liège. Je n’avais pas d’interprète en langue des signes pour m’accompagner. J’ai suivi les cours en copiant sur mon voisin le matin et en révisant l’après-midi avec ma mère.
J’ai fait mes humanités au collège Saint-Barthélemy à Liège, toujours en intégration et toujours en copiant sur mon voisin.
Avant mon entrée à l’université, j’ai passé huit mois dans un collège près de Londres pour perfectionner mon anglais.
Pour mes études supérieures, j’ai choisi de partir étudier aux Etats-Unis, plus précisément à « Gallaudet University » à Washington. Pourquoi ce choix ? Simplement parce que j’ai été refusé dans toutes les universités belges, qui, en 1976, avaient peur d’accueillir en leur sein des personnes sourdes. A « Gallaudet University », j’ai effectué un Bachelier en mathématiques et éducation, ainsi qu’un régendat en mathématiques par équivalence en Belgique.
Parcours professionnel
De septembre 1984 à juin 1986, j’ai enseigné les mathématiques à l’Institut Royal pour Sourds et Aveugles (IRSA).
Ensuite, j’ai effectué un an de formation IBM, et en 1987 j’ai travaillé deux mois au Luxembourg comme Programmeur.
De novembre 1987 au 1er mars 2014, j’ai travaillé comme Programmeur-Analyste Cobol au service facturation chez ENGIE (anciennement Electrabel).
Difficultés rencontrées
Durant les études:
En secondaire, ma vie sociale était assez pauvre. Le français était dur pour moi. Mais ma mère m’a toujours aidé. Maintenant, mon niveau de français est bon.
Sur le marché de l’emploi:
Au niveau du travail, pour les sourds c’est souvent quasiment impossible de monter en hiérarchie, ce qui n’est pas normal. Moi, par exemple, je n’ai jamais pu monter en hiérarchie et je dois mon emploi chez Electrabel à mon oncle, qui m’a aidé à décrocher le travail. Pour les sourds, ce n’est pas facile de trouver du travail.
Pour suivre des formations supplémentaires, c’est aussi difficile car il faut obtenir des interprètes en langue des signes. Ceux-ci sont rares en Belgique francophone. Je n’ai pas pu suivre une formation en communication à cause de cela.
Une fois, j’ai réussi à obtenir de l’aide d’un interprète pour une formation de trois jours sur Excel. Cependant, on ne m’a finalement pas donné le poste qui y correspondait. J’étais très déçu.
Chez Electrabel, on m’a laissé me tourner les pouces pendant de nombreuses années ! Au début, je me suis battu pour avoir un interprète pendant les réunions hebdomadaires. Mais, dans un premier temps, cela m’a toujours été refusé. Et puis, un jour à force d’insistance, ça a marché ! On m’a quand même laissé sans travail dans l’entreprise pendant 8 ans ! (période de 2000 à 2008). J’ai tout de même exigé qu’on me fournisse au moins 20% de travail, pour ne pas être mis à la porte. Mais dans l’ensemble, ça va, je pense avoir été moyennement productif chez Electrabel/ENGIE.
Conseils aux jeunes sourds
- Il ne faut jamais laisser tomber !
- Il ne faut jamais non plus se laisser faire quand il y a une discrimination, il faut toujours rester debout. Son expérience est qu’on respecte davantage ceux qui savent répondre dignement à ces discriminations.
- Il faut beaucoup s’informer sur le monde du travail.
- Il faut savoir reconnaitre ses erreurs.
- Dans le cas d’une discrimination, il faut demander conseil au Centre pour l’Egalité des Chances. Il ne faut surtout pas hésiter à l’utiliser en cas de nécessité.
- Il faut suivre le plus de formations possibles pour ne pas être en retard par rapport aux autres. Dans le monde du travail, il y a toujours de la compétition, c’est très compétitif. Il faut garder une bonne place dans la compétition. Ne pas se laisser distancer.
- Enfin, il faut avoir une bonne communication avec les autres, bien s’entendre avec tout le monde.

Nom et Prénom : Laurent Duquesne
Age : 40 ans
Fonction : architecte (activité principale). Également conseiller en accessibilité et professeur en LSFB (Langue des Signes Francophone Belge)
Surdité et moyens de communication
Laurent est sourd profond. Il s’exprime en français oral et en langue des signes.
Parcours scolaire
J’ai fait mes études secondaires générales à l’Institut de la Sainte-Union de Kain, près de Tournai (1987-1993). Pour mes études supérieures, j’ai fait un Master à l’Institut Supérieur d’Architecture Saint-Luc de Bruxelles (1993-1998).
Parcours professionnel
En tant que Conseiller en accessibilité :
De 2008 à 2009, j’ai commencé mon parcours professionnel en travaillant pour l’ANLH (Association Nationale pour le Logement des Handicapés). Là-bas, je participais aux dossiers d’expertise sur l’accessibilité des PMR (Personnes à Mobilité Réduite).
De 2009 à 2010, j’ai continué à participer aux dossiers d’expertise sur l’accessibilité des PMR, mais cette fois-ci à titre privé.
Enfin, depuis 2010, je travaille à l’asbl Passe Muraille à Mons. Je travaille au sein du Bureau d’étude en accessibilité et en signalétique, je participe également aux dossiers d’expertise et de conseils sur l’accessibilité des PMR.
J’ai aussi participé à la création d’un ouvrage » Les Sourds et l’Architecture : quels sont les aménagements possibles » en collaboration avec la Fédération Francophone des Sourds de Belgique (FFSB).
En tant qu’Architecte :
Juste après mon Master en Architecture, j’ai commencé ma carrière d’architecte chez « Architecture Concept » à La Louvière. Je participais aux études d’avant-projet et aux dossiers de permis d’urbanisme et d’exécution dans le cadre des projets de rénovations et de constructions. De 2000 à 2009, j’ai travaillé chez Assar SPRL et chez Vizzion Architects SCRL à Bruxelles. Je participais aux dossiers d’exécution dans le cadre de différents projets. Enfin, depuis 2000, je travaille également à titre privé.
Difficultés rencontrées
Durant les études:
Mon parcours d’intégration a été difficile. Pourquoi ? J’ai éprouvé des difficultés à la fois sur le plan de l’apprentissage mais également sur le plan de la communication.
Heureusement, durant mes études secondaires, j’ai pu partager des moments avec d’autres sourds car nous étions dans la même école. Ça m’a permis de prendre confiance en moi et d’affronter le regard des autres. C’est grâce au soutien de ma famille et à la compréhension des aides pédagogiques et des interprètes que j’ai pu réussir.
Sur le marché de l’emploi:
Au niveau du parcours professionnel, d’autres difficultés sont apparues. Trop souvent, lors de réunion avec les intervenants sur un chantier, il n’est pas toujours facile de suivre les conversations. Je suis alors obligé de demander qu’une seule personne s’exprime à la fois. Je dois aussi demander aux gens de répéter. La demande d’interprète en langue des signes ne se fait que rarement.
En ce qui concerne les appels téléphoniques, heureusement qu’il y a les nouvelles technologies (sms, email, webcam, etc.). Ça m’a aidé à nouer les contacts avec des entrepreneurs et des clients. La seule difficulté rencontrée, c’est que certains entrepreneurs ne réagissent pas à ma demande par email et je dois donc faire appel aux personnes de mon entourage pour le contacter directement par téléphone.
En effet, beaucoup d’entrepreneurs préfèrent les conversations orales (par téléphone) afin de résoudre les problèmes de chantier assez rapidement.
Autre difficulté : les tâches administratives liées à mon statut d’indépendant. Celles-ci ne sont pas toujours évidentes et me demande un double effort par rapport à ma situation de handicap. Cela me fait perdre du temps inutilement.
Conseils aux jeunes sourds
N’hésitez pas à choisir un travail pour lequel vous avez une passion, avec de la créativité et l’envie d’aller de l’avant, même si les difficultés se posent. Montrez vos envies et votre volonté d’aller plus loin !
Ne soyez pas trop vite déçu, la vie est comme un match de foot, rien n’est jamais perdu, il faut se battre jusqu’au bout, car on peut marquer des points jusqu’à la dernière minute !

Nom et Prénom : Annelies Kusters
Age : 32 ans
Fonction : Post-doctorante au « Max Planck Institute for the Study of Religious and Ethnic Diversity » (MPI), en Allemagne (http://www.mmg.mpg.de/departments/socio-cultural-diversity/scientific-staff/dr-annelies-kusters/)
Surdité et moyens de communication
Annelies est sourde profonde. Elle parle néerlandais avec sa famille, en langue des signes avec les personnes qui parlent la langue des signes (langue des signes anglaise, indienne, flamande et également langue des signes internationale). Elle communique par écrit en allemand et en anglais à son travail en Allemagne.
Parcours scolaire
J’ai été en intégration pendant tout mon parcours scolaire, après avoir passé les trois premiers mois de maternelle dans une école pour enfants sourds.
J’ai fait mes Secondaires successivement à l’Instituut Mariaburcht (1ère et 2ième années), à la Kindsheid Jesu (3ième et 4ième années)et au Sint Jozefinstituut (5ième et 6ième années).
Pour mes études supérieures, j’ai d’abord commencé par un Bachelier en Philosophie à la KUL (Katholieke Universiteit Leuven). Ensuite, toujours dans la même université, je me suis tournée vers un Master en Anthropologie culturelle et sociale.
J’ai également peaufiné ma formation avec un master et un PhD en « Deaf Studies » à l’Université de Bristol, en Angleterre. Après avoir épousé mon compagnon indien, j’ai passé trois ans en Inde. J’ai également mené des recherches ethnographiques à Paramaribo (au Suriname), à Adamorobe (au Ghana) et à Mumbai (en Inde).
Parcours professionnel
Depuis septembre 2013, je réalise un post-doctorat ainsi que des recherches au « Max Planck Institute for the Study of Religious and Ethnic Diversity » (MPI), en Allemagne.
Difficultés rencontrées
J’ai suivi un parcours d’études sur le thème des « Deaf Studies ». Il s’agit d’un domaine spécifique qui étudie les modes de vie, les expériences et les discours des personnes sourdes. J’ai senti qu’au bout d’un certain moment cela devenait assez restreint et démodé : les « Deaf studies », comme domaine de recherche, ont besoin d’un certain nombre d’innovations. Ce qui m’a plu, au MPI, c’est de pouvoir travailler sur un plus large panel de thèmes et appliquer cela sur les personnes sourdes. Et donc au final à contribuer à des innovations dans le cadre des « Deaf Studies ».
Les obstacles que je rencontre sont surtout d’ordre communicationnel. Par exemple, je dois passer en permanence par l’écrit pour communiquer avec mes collègues en Allemagne. Ça va, mais cela prend du temps. Lors des réunions et rencontres, quelqu’un écrit pour moi tout ce qui se passe. Généralement, les gens ont une attitude correcte envers moi, je ne me sens pas exclue. Mais malheureusement, il m’arrive quand même de manquer certaines informations. C’est dur pour tout le monde de se faire une place dans le monde de la recherche, et cela, pas seulement pour les personnes sourdes ! Mais il y a peu de subside et de financement pour la recherche en « Deaf Studies ». C’est un obstacle. Les études de linguistique concernant les langues signées sont davantage financées.
En Allemagne, avoir des interprètes en langue des signes pour des réunions est difficile. Je ne connais pas la langue des signes allemande. Du coup, durant les réunions qui durent plus de quelques heures, un ou deux interprètes (langue des signes britannique ou langue des signes internationale) viennent interpréter de et vers l’anglais parlé.
Conseils aux jeunes sourds
Suivez votre désir ! Et réalisez ce que vous désirez réaliser ! Vous pouvez réussir ! Vous pouvez en vous activant ! Si vous voulez faire de la recherche, vous devez aimer lire, c’est un must ! Pareil pour aller à l’université. Voilà… !

Nom et Prénom : Eléonore Caboot
Age : 30 ans
Fonction : Responsable informatique (service vidéophonie) et technicien chez Info-Sourds.
Surdité et moyens de communication
Eléonore est sourde bilatérale profonde.
Parcours scolaire
J’ai fait la fin de mes études secondaires à l’Institut des Sacrés-Cœurs de Waterloo.
Au niveau des études supérieures, j’ai étudié la communication à l’ECS-EFAP (European Communication School). Ensuite, j’ai également étudié le Français/Français langue étrangère (FLE) à la Haute-Ecole Paul-Henri Spaak de Nivelles.
Parcours professionnel
J’ai commencé à travailler en 2014.
Avant d’être engagée, j’ai effectué tout un tas de stages d’une durée de deux à trois mois par stage et ce deux fois par an. J’ai également participé à des expériences formidables comme un stage à l’école des sourds au Benin ou encore un chantier humanitaire en Inde.
Difficultés rencontrées
Durant les études :
J’ai rencontré beaucoup de difficultés durant mon parcours estudiantin : j’ai vécu une pléthore d’injustices, de discriminations mais aussi un acharnement psychologique indescriptible de la part du corps professoral et de la direction des différentes écoles dans lesquelles j’ai étudié (sauf durant mes études au Sacrés-Cœurs de Waterloo et à l’ECS, chez eux tout s’est merveilleusement bien passé). A un certain point j’ai presque frôlé le burn-out lors de mes études de français tellement je n’en pouvais plus de cet acharnement cruel.
Je suis révoltée par la pénurie d’interprète ! J’ai effectué l’entièreté de mon cursus de Communication avec l’aide d’interprètes. Ensuite, quand j’ai recommencé des études pour devenir enseignante, là, on m’a abandonnée… Et de nombreuses personnes sourdes se voient contraintes d’arrêter leurs études à cause de ce manque d’interprète car elles sont alors dans l’impossibilité de suivre les cours !
A part ça, il reste beaucoup de choses à mettre en place afin de pouvoir faciliter l’accès aux études (et donc au marché de l’emploi sur le long terme) pour les personnes sourdes. Par exemple, les professeurs ne sont pas toujours très coopératifs ou compréhensifs, les cours ne sont pas aménagés, la personne sourde se voit répéter inlassablement que ce n’est pas « juste » pour les entendants quand on adapte un cours à une personne sourde !
J’ai pas mal d’autres exemples de difficultés rencontrées : ne pas recevoir en temps et en heure les notes de cours à étudier pour l’examen, qu’on me fasse suivre une dictée au même rythme que les autres élèves de la classe et ce sans aucune interprète, qu’on m’oblige à prendre part à la section Religion au lieu de la section FLE (Français Langue Etrangère) car selon la direction de la Haute-Ecole Paul-Henri Spaak le cours de FLE n’était, selon eux, pas adapté pour les personnes sourde etc. J’ai finalement réussi à intégrer la section FLE après un long combat.
Toujours à la Haute-Ecole Paul-Henri Spaak, je me suis également vue refuser, dans un premier temps, l’accès à mon stage au Bénin. Après des mois de discussions, j’ai enfin reçu le feu vert car c’était en lien avec le sujet de mon TFE. En arrivant sur place, j’ai découvert que la direction de l’école avait envoyé trois autres stagiaires à mon insu sur le projet pédagogique qui me tenait tant à cœur…
Sur le marché de l’emploi :
Au niveau professionnel maintenant, je n’ai aucun souci et j’adore mon travail actuel.
Conseils aux jeunes sourds
Il ne faut jamais baisser les bras ! Il faut rester positif et essayer d’obtenir un poste en adéquation avec son handicap même si cela relève d’un parcours de combattant.

Nom et Prénom : Sophie Morel
Age : 36 ans
Fonction : Responsable de la gestion financière et soutien à la direction au niveau administratif et des ressources humaines chez Info-Sourds de Bruxelles.
Surdité et moyens de communication
« Je suis médicalement sourde profonde. Parfois, je me sens malentendante, parfois je me sens sourde, cela dépend de la situation dans laquelle je me trouve ». Sophie porte un implant cochléaire et une prothèse auditive numérique. Elle communique par la parole avec les personnes qui entendent et elle utilise la langue des signes et le français signé avec les personnes sourdes et malentendantes.
Parcours scolaire
J’ai fait mes maternelles et la moitié de mes primaires dans une école assez difficile, le niveau était assez haut, je n’avais pas très facile à cause de ma surdité.Face à ces difficultés, j’avais une aide pédagogique qui révisait les cours avec moi à la fin de chaque journée. Mais sur le long terme, c’était trop lourd.
Alors mes parents ont décidé de me changer d’école et de m’inscrire dans une école normale, conseillée par le Centre Comprendre et Parler, qui avait l’habitude d’accueillir des élèves sourds et malentendants et j’y ai terminé toutes mes années.
Pour les études supérieures, j’ai d’abord voulu suivre un cursus d’infirmière : j’ai adoré les cours ! Mais les stages ne se sont pas bien passés. J’y ai subi une pression considérable et très forte de la part des professeurs et du directeur de l’école. Ils me disaient qu’avec ma surdité, je ne pouvais pas être infirmière. Vexée, j’ai essayé de leur prouver que j’étais capable et égale aux entendants. J’ai réussi presque tous mes examens à la très grande surprise de ceux qui me sous-estimaient. Mais finalement, je n’aimais pas le métier d’infirmier.
Ensuite, ne sachant vraiment pas ce que je voulais faire, je me suis lancée dans des études d’esthéticienne et j’ai également suivi en parallèle des cours de chef d’entreprise pour avoir l’accès à la profession afin de pouvoir ouvrir mon propre salon de beauté. Après ces deux cursus, même diplômée en esthétique et chef d’entreprise, je n’avais pas trouvé ma voie. J’avais découvert la comptabilité et je m’y sentais bien alors je me suis lancée dans un graduat de comptabilité en promotion social à Bruxelles. Et là mes études se terminent.
Parcours professionnel
A la sortie d’école en 2003, j’ai été directement engagée chez Info-Sourds. J’ai eu beaucoup de chance. C’est le Centre Comprendre et Parler qui m’a informée de l’existence de ce poste.
Difficultés rencontrées
Lors de mes études, les professeurs parlent généralement vite, n’articulent pas toujours et ne sont pas toujours face à moi et je ne connaissais pas la langue des signes, ni le LPC à cette époque donc je devais me débrouiller seule avec les notes des autres élèves, s’ils voulaient bien me les prêter ! L’aide idéale aurait été une preneuse de note mais malheureusement, ça n’existe pas.
En ce qui concerne mon parcours professionnel, j’ai eu de la chance d’avoir trouvé sans chercher et surtout de travailler dans le milieu de la surdité. Mon seul obstacle est que je ne sais pas téléphoner. Et cela même avec mon implant cochléaire ! Je dois toujours demander qu’on téléphone pour moi.
Conseils aux jeunes sourds
Il ne faut pas se sous-estimer. Il ne faut pas avoir peur, même s’il y a des obstacles. Il y a presque toujours moyen de trouver des solutions !
Nous sommes égaux aux entendants !

Nom et Prénom : Sophie Mascia
Age : 21 ans
Fonction : Étudiante en 4ème année de sage-femme
Surdité et moyens de communication
Sophie est sourde profonde bilatérale avec des implants cochléaires.
Parcours scolaire
J’ai fait mes études secondaires en sciences économiques à l’Athénée Royal de Dour.
Actuellement, je suis en 4ème année à la Haute École Provinciale du Hainaut-Condorcet à Mons, dans la section sage-femme.
J’ai également suivi des cours du soir d’espagnol (niveau UF6). Je suis aussi des cours du soir langue de signes (niveau UF2).
Parcours professionnel
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Difficultés rencontrées
Durant les études:
Du fait que je parle très bien, parfois on ne me croyait pas sur ma difficulté à comprendre. Ou alors les gens oublient que je suis sourde… Par exemple, à l’école secondaire, pour les cours de langues, lorsqu’on passait une cassette, le professeur avait du mal à croire que je ne comprenais pas du tout. Il avait donc du mal à faire la différence entre le manque de connaissance du vocabulaire et le fait de comprendre de l’audio sans lecture labiale !
Certaines situations, comme le téléphone, me freinent professionnellement. Je me débrouille au téléphone avec les personnes que je connais. Mais lorsqu’il faut téléphoner ou répondre à un inconnu, je panique à l’avance à l’idée de ne pas comprendre et de me faire ridiculiser en ligne….
Sur le marché de l’emploi:
Dans mon métier, je serai parfois amenée à porter un masque. Ce ne sera pas facile pour comprendre les collègues masqués. Sinon de manière globale ça se passe bien !
Conseils aux jeunes sourds
Il ne faut pas se laisser abattre par les jugements comme : « c’est impossible » ou « tu n’en es pas capable » qui émanent de certains professionnels voire même parfois de la famille ou des amis. Personnellement, ce n’est pas mon cas, j’ai toujours été très soutenue par ma famille ! Merci à eux.
Je pense qu’il faut montrer toutes ses capacités et surtout prouver qu’on peut être « comme » des entendants sur certains points. Et si on a des difficultés, il ne faut pas pour autant avoir peur de le dire ! Plus vous allez vous investir, plus les personnes entendantes sur le marché de l’emploi vont croire en vous plutôt qu’en quelqu’un d’autre. Et ce à cause de la volonté et des efforts que vous aurez menés pour y arriver !

Nom et Prénom : Murielle Bertrand
Age : 27 ans
Fonction : Responsable des ressources humaines et des finances chez CBM (Christoffel Blindenmission) EU Office.
Surdité et moyens de communication
Murielle est sourde profonde. Elle s’exprime en français oral et en langue des signes.
Parcours scolaire
J’ai fait mes études Secondaire en Education Physique à l’Institut Sainte-Marie de Jambes (ISMJ), près de Namur. Ensuite, j’ai commencé la comptabilité générale au FESN de Namur mais je n’ai pas terminé ces études.
Parcours professionnel
En mai 2009, j’ai commencé à travailler comme femme de chambre à l’hôtel « Le Château de Namur ». Je suis restée là-bas pendant 1 an.
A partir de décembre 2009, j’ai jonglé entre mon travail de femme de chambre à mi-temps et un nouveau poste d’assistante administrative au CBM EU Office (Christoffel Blindenmission), également à mi-temps. J’ai cumulé les deux mi-temps pendant environ 6 mois. Ensuite, je suis passée à temps-plein au CBM EU Office. Là-bas, j’ai commencé comme Assistante administrative, puis je suis devenue Responsable administrative, puis Responsable administrative et finance et enfin j’ai accédé à mon poste actuel : Responsable des ressources humaines et des finances.
Difficultés rencontrées
Sur le marché de l’emploi :
Au sein du CBM EU Office je n’ai jamais rencontré aucune difficulté et ce pour une bonne raison (ndlr : c’est un organisme d’intégration des personnes handicapées). Ailleurs qu’au CBM, les gens sont généralement beaucoup moins sensibilisés à la surdité et donc plus méfiants. Par exemple, quand j’ai postulé à l’hôtel en tant que femme de chambre, ils ne voulaient pas m’engager. Ils hésitaient beaucoup à cause de ma surdité. Comment, par exemple, j’allais faire pour répondre au téléphone ? Ma responsable à l’hôtel m’a avoué, des mois plus tard après mon engagement, qu’au départ le directeur ne voulait pas m’engager parce que j’étais sourde. Mais que ma responsable avait alors beaucoup insisté.
Conseils aux jeunes sourds
Il faut s’engager en tant que bénévole dans des associations pour que les gens puissent voir de quoi tu es capable en tant que personne sourde. C’est une bonne façon de gagner la confiance des gens. Ces stages et activités bénévoles peuvent ainsi déboucher sur des potentielles offres d’emploi !
Il faut également aller voir sur des sites comme Wheelit (www.wheelit.be) ou comme le Sarew (http://www.ffsb.be/emploi-sarew). Moi, c’est via Wheelit que j’ai trouvé mon travail au CBM EU Office.
Une autre option peut être de travailler dans des associations de personnes sourdes. Dans tous les cas, il faut se bouger et rester motivé !

Nom et Prénom : Julie Body
Age : 29 ans
Fonction : Assistante administrative chez CBM (Christoffel Blindenmission).
Surdité et moyens de communication
Julie est sourde profonde au 3ème degré. Elle communique en français (langue maternelle), en LSFB et en LPC.
Parcours scolaire
J’ai fait mes primaires à l’Ecole de l’Enfant Jésus (Voroux-lez-Liers). J’étais en intégration partielle. Ce qui veut dire que le matin je suivais les cours à l’école et que l’après-midi j’avais une heure d’aide pédagogique et une heure de logopédie au CMAP (Centre Médical d’Audio Phonologie à Montegnée).
Pour mes secondaires, je suis d’abord allée au Collège Saint-Barthélemy (Liège) en option Latin puis Grec. J’ai suivi cette option pendant deux ans seulement. Ensuite, j’ai changé d’école et je suis allée à l’Athénée Royal de Fragnée. J’ai choisi l’option Education Physique et Sciences puis l’option Sciences-Sociale et Langues (espagnol). J’avais de temps en temps une interprète en langue des signes ou en LPC, mais pas toujours. Ça n’a pas toujours aidé à faciliter mon parcours.
Enfin, pour mes Hautes études, je suis allée à l’Ecole Supérieure d’Action Sociale (ESAS) et l’Institut Supérieur Pédagogique Galilée (ISPG).
Parcours professionnel
En 2007, j’ai commencé mon parcours professionnel comme animatrice extérieure au CREE (Collectif Recherche et Expression). Je participais exclusivement aux séjours de vacances. Je devais préparer des activités (petits jeux, grands jeux, bricolages, sport, veillées, contes, découvertes, etc.) pour des enfants âgés de 6 à 14 ans.
Ensuite en 2009, j’ai travaillé pendant un an comme animatrice à SUR’Cité. Le foyer étant ouvert tous les mardis soirs de 18h à 23h, je devais préparer des quizz, jeux de société, conférences, tables de communication, etc.
En 2012, j’ai été engagée comme animatrice au CFLS (Centre Francophone de la Langue des Signes). J’ai d’abord eu un contrat de remplacement. Ensuite, en 2013, j’ai eu un contrat de stage avec l’aide de l’AWIPH. Je faisais plus de la sensibilisation à la LS (Langue des Signes) et j’ai donné des cours de LS à des débutants. Enfin, depuis le 1er mars 2014, je travaille comme assistante administrative chez CBM (Christoffel Blindenmission).
Difficultés rencontrées
Durant les études:
Je n’ai pas fait de grandes études d’une part pour des raisons personnelles mais aussi en partie parce que je n’avais pas suffisamment d’heures d’interprétation.
La peur de la surdité, est un sacré obstacle ! Les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas. L’idéal serait de pousser la sensibilisation jusqu’aux hôpitaux. Les parents qui découvrent que leur enfant est sourd devraient être au courant de TOUS les moyens de communication plutôt que de se focaliser sur le problème de « l’oreille ».
Sur le marché de l’emploi:
Il est extrêmement difficile pour une personne sourde de trouver du travail en Belgique. La surdité fait encore peur et le problème du « téléphone » est récurrent. Lors d’une recherche d’emploi, il faut téléphoner ! Heureusement, depuis peu de temps, un nouveau service a été mis en place pour les personnes sourdes : un centre de téléphonie en langue des signes pour les sourds (le Centre Relais Visiophonie). Cela ouvrira peut-être de nouvelles perspectives.
Conseils aux jeunes sourds
- Être ouvert, accepter les différences (sourd, entendant, signant, oraliste, belge, étranger, etc.).
- Être souple. On ne fait pas toujours ce qu’on veut dans la vie, il faut savoir faire des concessions (parfois ça signifie faire plus que ce qui est indiqué dans le contrat).
- Être sociable, souriant(e), communicatif(ve).
- Ne jamais baisser les bras, ne pas avoir peur de montrer de quoi on est capable.
- Lors d’un entretien, c’est à vous de faire la différence !

Nom et Prénom : Eric Nile
Age : 34 ans
Fonction : Informaticien indépendant
Surdité et moyens de communication
Eric est sourd profond. Il s’exprime en français oral.
Parcours scolaire
- Primaires : Centre scolaire du Blankedelle (Auderghem)
- Secondaires :
- 1ère et 2ème secondaires : école Saint-Julien-Parnasse (Auderghem)
- 3ème à 6ème secondaires : Centre scolaire du Sacré-Coeur de Lindthout
- Etudes supérieures : à l’INRACI. J’ai ai fait trois ans, et à chaque fois j’ai dû recommencer mon année. Ma motivation était faible et en plus les cours n’étaient pas adaptés pour le métier que je voulais exercer. Les cours étaient très généraux : programmation, etc. Ce n’était pas ce que je voulais faire. Je voulais être IT consultant et travailler dans la gestion de parcs informatiques (support network). À l’époque, il n’y avait pas d’école pour étudier ce métier-là. J’ai cherché mais en vain.
Parcours professionnel
Comme les cours que je suivais ne correspondaient pas à ce que je cherchais, j’ai envoyé des CV au hasard afin de trouver un emploi. Un patron a vu que j’avais de bonnes bases et il m’a payé des formations, tout en m’engageant. C’est cela qui m’a fait démarrer dans de bonnes conditions. Au final, j’ai cherché pendant six mois tout en étant à l’ORBEM (actuellement Actiris).
- De 2001 à 2004 : j’ai travaillé comme informaticien à la PERPAR S.A. Mais je souhaitais mieux gagner ma vie, donc j’ai cherché un autre emploi. Et j’ai trouvé ailleurs, en 2004.
- De 2004 à 2006 : j’ai travaillé comme informaticien mais cette fois à la CRE TEAM SPRL. Cependant, la CRE TEAM sprl a fait faillite en 2006. Je me suis donc retrouvé au chômage.
Pendant 3 mois, j’ai profité pour faire des travaux dans ma maison. Mais ensuite, au bout je me suis senti trop isolé, je n’avais plus de contacts sociaux. Tout le monde, y compris ma femme, étaient partis au travail en journée. Je me suis donc mis à rechercher activement un nouvel emploi, ce que j’ai trouvé en septembre 2006.
- 2006 à 2014 : J’ai travaillé à mi-temps comme informaticien à l’APEDAF.
J’ai toujours rêvé de devenir indépendant mais c’était impossible de combiner le chômage et la fonction d’indépendant complémentaire pour démarrer… J’ai donc trouvé ce mi-temps à l’APEDAF, et un autre en tant que traiteur de sushis à mi-temps pendant 3 mois. Depuis début janvier 2007, je me suis lancé comme indépendant complémentaire.
- En 2012, je suis enfin devenu indépendant à titre principal, mais j’ai pu continuer mon mi-temps à l’APEDAF en même temps jusqu’en septembre 2014.
Difficultés rencontrées
Sur le marché de l’emploi:
Quand on me demande : « As-tu rencontré des difficultés dans ton parcours professionnel liées à ta surdité ? », je réponds : « Bien sûr ! La langue ».
Je ne pouvais pas parler anglais, ni néerlandais et je ne pouvais pas non plus téléphoner. Pendant les réunions où il y a beaucoup de monde, ça parle dans tous les sens et j’ai toujours du mal à suivre. Parfois les gens oublient que je suis sourd.
Dans mon CV, au début, je mettais que j’étais sourd. Mais les réponses étaient lentes voire inexistantes. Par la suite, j’ai donc envoyé des CV sans mentionner ma surdité. Et là, j’ai eu plein de réponses rapidement ! Même pour avoir des entretiens d’embauche. Pendant les interviews, je voyais bien que les gens avaient peur, puis je les mettais à l’aise.
Autre difficulté, si je veux faire des formations pour me perfectionner, il n’y a pas d’interprètes, c’est dur pour bien suivre et comprendre une formation du coup !
Conseils aux jeunes sourds
Il ne faut pas baisser les bras ! Le travail ne tombe pas du ciel tout cuit dans votre main ! Il faut avoir de la personnalité, du caractère. Il faut oser sonner aux portes, être ouvert, et actif. Si vous voulez être indépendant, il faut chercher un mi-temps, n’importe lequel, même s’il s’agit de faire le ménage. Et en même temps, il faut démarrer une activité en tant qu’indépendant complémentaire sur le côté.
Il ne faut pas s’arrêter aux premiers obstacles ! Si vous rencontrez des problèmes, réfléchissez à une solution, renseignez-vous. Vous serez sans doute confronté à plusieurs obstacles dans votre parcours, mais il y a des solutions. Il ne faut pas se dire : « oh, être indépendant, c’est trop difficile niveau finances, etc. ». Il faut se renseigner, prendre ses informations et aller de l’avant. Ce n’est pas parce que nous sommes sourds qu’il n’y a pas de solution. Les solutions existent !
Activités liées à l'emploi
http://www.printempsdelemploi.be/
Salon de l’emploi, http://www.salon-emploi.be/